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Caractère non contradictoire du recours hiérarchique et de l'interlocution post vérification

Dernière mise à jour : 21 nov. 2022

CE, 8ème - 3ème chambres réunies, 16/11/2022, 462278


L'article L. 57 du livre des procédures fiscales prévoit que : « L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.

[...] Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. »


L'article R. 57-1 du même livre précise que : « La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée.

L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition. »


Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'à la suite d'une première proposition de rectification et avant mise en recouvrement, l'Administration modifie la base légale des rectifications qu'elle envisage, elle doit en informer le contribuable par la notification d'une nouvelle proposition de rectification, à peine d'irrégularité de la procédure d'imposition.


Sous la même sanction, l’Administration doit également accorder au contribuable un nouveau délai de 30 jours pour lui permettre de formuler ses observations lorsqu’une modification de base légale intervient dans la réponse aux observations du contribuable.


La charte des droits et obligations du contribuable vérifié, dont le contenu est opposable à l’Administration, prévoit :

  • Qu’en cas de difficultés, le contribuable contrôlé peut, pendant la vérification, s’adresser à l'inspecteur divisionnaire ou principal et ensuite à l'interlocuteur désigné par le directeur.

  • Qu'en cas de désaccord avec le vérificateur, le contribuable peut saisir l'inspecteur divisionnaire ou principal.

Elle énonce, à cet égard : « Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal […]

Si, après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur. »


La possibilité pour le contribuable de s'adresser au supérieur hiérarchique du vérificateur puis, le cas échéant, à l'interlocuteur départemental ou régional constitue une garantie substantielle ouverte à l'intéressé à deux moments distincts de la procédure de rectification :

  • En premier lieu, au cours de la vérification et avant l'envoi de la proposition de rectification ou la notification des bases d'imposition d'office pour ce qui a trait aux difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle

  • En second lieu, pour les contribuables faisant l'objet d'une procédure de rectification contradictoire, après la réponse faite par l'administration fiscale à leurs observations sur la proposition de rectification en cas de persistance d'un désaccord sur le bien-fondé des rectifications envisagées.

Lorsqu’ils sont introduits après la réponse apportée par l'Administration fiscale aux observations du contribuable et avant la mise en recouvrement des rappels notifiés, le Conseil d’Etat, par un arrêt rendu le 16 novembre 2022, semble cantonner les éléments pouvant être discutés dans le cadre de ces deux types de recours à ceux évoqués dans le cadre de la procédure contradictoire, dont l’achèvement serait marqué par la notification de la réponse aux observations du contribuable.


La SNC Ventimo, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis le 13 juillet 2006 un terrain à bâtir sur lequel elle a fait construire un chalet achevé le 19 mai 2010.


Elle a déclaré le 28 mai 2013 une TVA collectée exigible d'un montant total de 1 168 182 euros au titre d'une opération de livraison à soi-même de ce chalet, montant qu'elle a concomitamment déduit.


A l’issue d’une procédure de vérification de comptabilité diligentée à son encontre, l'Administration fiscale a remis en cause la déductibilité de la TVA afférente à cette opération et lui a notifié les rappels de TVA correspondants.


La proposition de rectification adressée à la société Ventimo précisait que les rappels de TVA notifiés étaient exclusivement fondés sur les articles 256 et 256 A du code général des impôts, au motif que l'opération dans son ensemble, y compris la construction du chalet, se trouvait hors champ d'application de la TVA.


Avant mise en recouvrement de ces rappels, la société a saisi du litige le supérieur hiérarchique du vérificateur, puis l’interlocuteur interrégional afin d’obtenir la décharge des rappels litigieux, sans succès.


Les décisions adoptées par l’Administration dans le cadre du recours hiérarchique, puis de l’interlocution interrégionale précisaient que la société Ventimo avait bénéficié d'un droit à déduction à la date d'achèvement du chalet, alors destiné à la vente, mais qu'elle avait perdu ce droit en raison de l'utilisation privative ultérieurement faite de ce bien, sur le fondement cette fois de l'article 271 du code général des impôts.


Saisi du litige, le Tribunal Administratif de Lyon a prononcé la décharge des rappels de TVA correspondant à l’opération de livraison à soi-même par un jugement du 7 mars 2019.


Au soutien de sa décision, confirmée par la Cour Administrative d’Appel de Lyon par un arrêt du 13 janvier 2022, le Tribunal Administratif précisait :

  1. Qu'avant la mise en recouvrement des rappels notifiés, l'Administration fiscale avait modifié la base légale des rectifications, successivement fondées sur une absence initiale puis sur une perte de droit à déduction.

  2. Qu’à défaut d’avoir notifié au contribuable une nouvelle proposition de rectification lui ouvrant un nouveau délai de 30 jours pour faire valoir ses observations, l’Administration fiscale avait privé la société Ventimo de la garantie d'un débat contradictoire, entachant la procédure d’imposition diligentée à son encontre d’une irrégularité substantielle ne pouvant que conduire à la décharge des rappels notifiés.

Le Conseil d’Etat censure cette analyse.


Après avoir rappelé que la possibilité pour le contribuable de s'adresser au supérieur hiérarchique du vérificateur puis, le cas échéant, à l'interlocuteur départemental ou régional constitue une garantie substantielle ouverte à l'intéressé à deux moments distincts de la procédure de rectification, la haute juridiction précise que :


« Après la réponse faite par l'administration fiscale à leurs observations sur la proposition de rectification […], cette garantie consiste pour le contribuable à pouvoir, avant la mise en recouvrement, saisir le supérieur hiérarchique du vérificateur et, le cas échéant, l'interlocuteur départemental de divergences subsistant au sujet du bien-fondé des rectifications envisagées, et non à poursuivre avec ces derniers un dialogue contradictoire de même nature que celui qui s'est achevé avec la notification de la réponse aux observations du contribuable.


Ainsi, lorsque le supérieur hiérarchique ou l'interlocuteur, qui n'y sont pas tenus, formulent par écrit les éclaircissements sollicités par le contribuable, leur réponse n'a pas pour effet, et ne saurait avoir pour objet, de modifier la base légale des rectifications envisagées par le vérificateur, telle qu'elle résulte […] des mentions figurant dans la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable. »


Lorsqu’ils sont introduits postérieurement à la réponse aux observations du contribuable, la haute juridiction semble par cet arrêt, mentionné aux tables du recueil Lebon, cantonner le recours hiérarchique et l’interlocution départementale ou régionale au seul examen des éléments de droit et de fait déjà discutés dans le cadre de la procédure contradictoire, dont l’achèvement serait matérialisé par la notification de la réponse aux observations du contribuable.

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