Sur CE, 8e et 3e, 11-10-2022, n° 464561
Lorsque leur acquisition n'a pas ouvert droit à déduction, l’article 268 du Code Général des Impôts soumet au régime de la taxation sur la marge :
Les livraisons de terrains à bâtir ;
Les livraisons d'immeubles bâtis achevés depuis plus de cinq ans en cas d'exercice de l'option prévue au 5° de l’article 260 du Code Général des Impôts.
L’application de ce régime dérogatoire de taxation suppose la réunion de deux conditions :
Les biens revendus ne doivent pas avoir ouvert droit à déduction ;
Les biens revendus doivent être identiques aux biens acquis quant à leur qualification juridique.
L'application du régime de la TVA sur la marge aux ventes de terrains à bâtir est à l'origine d’un abondant contentieux, notamment lorsque, à la suite d'une division parcellaire, le bien revendu n'est pas identique au bien acquis.
Dans l'optique d’assujettir au régime de la taxation sur la marge les ventes ultérieures, la pratique a pu conduire certains marchands de biens à demander au cédant de réaliser des actes permettant la division de leur terrain avant leur vente, notamment lorsqu'un bâtiment était édifié sur celui-ci.
Les opérations de division n’étant toutefois réalisées qu’après la cession :
Les modalités d’imposition de la plus-value réalisée par le cédant ne se trouvaient pas modifiées,
L’acte d’acquisition portait pour le marchand de biens sur un terrain en partie construit, pour lequel une autorisation de division avait été délivrée.
Par un arrêt du 11 octobre 2022, le Conseil d’Etat vient souligner que la condition d’identité juridique entre bien acquis et bien cédé à laquelle est subordonnée l’application du régime de taxation sur la marge ne peut s’apprécier sans tenir compte des mentions portées sur les actes de vente.
La société BH Concept, qui exerce une activité de marchand de biens, a procédé au cours des années 2012, 2013 et 2014 à des cessions de terrains à bâtir issus de la division parcellaire de terrains bâtis qu'elle a soumis au régime de la taxation sur la marge.
A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration, estimant que ces terrains n'avaient pas été acquis par l'intéressée en qualité de terrains à bâtir, a remis en cause l'application de ce régime et mis à la charge de la société les rappels de TVA correspondants.
Par jugement du 17 octobre 2019, le Tribunal Administratif de Bordeaux a prononcé la décharge de ces rappels, confirmant que le régime dérogatoire de la taxation sur la marge trouvait à s’appliquer aux opérations litigieuses.
Par un arrêt du 7 avril 2022, la Cour Administrative d'appel de Bordeaux confirme cette position et rejette l'appel interjeté par le ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Au soutien de sa décision, la Cour Administrative d’Appel soulignait que si les terrains cédés procèdent de divisions parcellaires, celles-ci ont été autorisées, de manière certaine et suffisamment détaillée, avant leur acquisition par cette société.
Elle en conclu que ces terrains doivent ainsi être regardés comme ayant revêtu le caractère de terrains à bâtir lors de leur acquisition par cette dernière.
Cette analyse est censurée par le Conseil d’Etat qui précise dans son arrêt du 11 octobre 2022 que pour déterminer si des terrains à bâtir ont été acquis en cette même qualité par leur cessionnaire auprès de leurs anciens propriétaires :
La circonstance que la division parcellaire dont ces terrains procèdent a été autorisée de façon suffisamment précise et détaillée préalablement à cette acquisition n’est pas suffisante,
Le juge doit rechercher dans les actes de vente si ces terrains ont été acquis par la société cédante comme terrains à bâtir, distinctement des terrains supportant des constructions.
En résumé, si la division en lots ou la viabilisation avant la revente ne font pas obstacle à l’application du régime de la TVA sur la marge, pourvu que les travaux réalisés n’aient pas pour effet de conférer aux biens acquis une nature juridique différente de celle des biens cédés, encore faut-il que la nature des biens visés dans l’acte d’acquisition soit identique à celle visée dans l’acte de vente.
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