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Présomption d'opacité des intermédiaires intervenant dans la fourniture de services en ligne

Sur : CJUE, 28-02-2023, aff. C‑695/20


De manière générale, l’intermédiaire s’entremet entre deux personnes, la personne pour le compte de laquelle il agit (« commettant ») et un tiers.


Son activité se caractérise :

  • Juridiquement, par l'existence d'un mandat, qui lui permet d'agir pour le compte d'autrui,

  • Économiquement, par le fait qu'il ne fournit pas avec ses propres moyens d'exploitation les biens et services objet de la transaction dans laquelle il s'entremet.

L'intermédiaire n'est donc jamais propriétaire des biens qu'il est chargé d'acheter ou de vendre, ni l'exécutant des services pour lesquels il s'entremet.



S'il intervient toujours pour le compte d'un commettant, l'intermédiaire peut opérer de deux façons différentes :

  • Soit il se présente comme agissant au nom d'autrui : il est alors dit « transparent »,

  • Soit il se présente vis-à-vis des tiers comme agissant en son nom propre : il est alors dit « opaque ».


Cette distinction est fondamentale au regard de la TVA puisque l’intermédiaire sera considéré :

  • Dans le premier cas, comme un simple prestataire de services taxable sur sa rémunération,

  • Dans le second cas, comme un « acheteur-revendeur » taxable sur le montant total de la transaction.


Compte-tenu des enjeux financiers liés à la qualification des prestations d’intermédiation, le contentieux en la matière est abondant et a pris un nouvel essor dans le cadre des prestations rendues par certaines plateformes via internet.



Au regard de la TVA, les règles de droit interne applicables aux opérations d’intermédiation sont issues de la directive 2006/112/CE, dont le contenu est précisé par le règlement d’exécution (UE) n° 282/2011.


L’article 28 de la directive 2006/112/CE (dite « directive TVA ») prévoit ainsi que « lorsqu'un assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, s'entremet dans une prestation de services, il est réputé avoir reçu et fourni personnellement les services en question »


Interprétant cette disposition, l’article 9 bis du règlement d’exécution n° 282/2011 institue une présomption d'opacité des intermédiaires intervenant dans la fourniture de services électroniques fournis via internet à des non-assujettis.


Ce dispositif prévoit en substance que lorsque des services électroniques fournis via internet sont fournis par l'intermédiaire d'un portail tel qu'une plateforme de téléchargement, l'assujetti qui s'entremet dans cette prestation est présumé agir, en son nom propre mais pour le compte du fournisseur de ces services (intermédiaire opaque).


Cette présomption peut être réfutée si le fournisseur est explicitement reconnu comme étant le prestataire par l'intermédiaire et que cela ressort des accords contractuels entre les parties.


Pour combattre cette présomption, chaque facture émise ou mise à disposition de chaque assujetti participant à la fourniture du service électronique doit préciser les services rendus ainsi que le prestataire de ceux-ci ; il en est de même de la facture remise au consommateur final.


En revanche, dès lors que l'intermédiaire autorise la facturation au preneur ou la fourniture des services ou qu'il fixe les conditions générales, il est obligatoirement considéré comme un intermédiaire opaque.



Dans un arrêt du 28 février 2023, la Cour de Justice de l’Union Européenne vient confirmer que la présomption instituée à l’article 9 bis du règlement d’exécution se borne à préciser le contenu de l’article 28 de la directive TVA et n’ajoute en rien à ce texte.



Les faits soumis à l’appréciation du juge communautaire concernaient la société Fenix International, qui exploite sur Internet la plateforme « Only Fans ».


Cette plateforme en ligne est proposée aux utilisateurs du monde entier, lesquels se répartissent en « créateurs » et en « fans » : chaque « créateur » dispose d’un « profil », sur lequel il télécharge et publie des contenus auxquels les « fans » peuvent accéder en souscrivant un abonnement mensuel ou via des paiements ponctuels (« pourboires »).


La société Fenix :

  • Détermine le montant minimum exigible tant pour les abonnements que pour les " pourboires"

  • Définit les conditions générales d’utilisation de la plateforme,

  • Fournit le dispositif permettant d’effectuer les transactions financières,

  • Est responsable de la collecte et de la distribution des paiements effectués par les fans, en faisant appel à un prestataire de services de paiement,

  • Prélève 20 % de toute somme versée au profit d’un créateur et applique à cette somme la TVA à un taux de 20 %, qui figure sur les factures qu’elle émet. Tous les paiements apparaissent sur le relevé bancaire du fan concerné comme des paiements effectués au crédit de la société Fenix.


Considérant que la société Fenix elle agissait en son nom propre, l’Administration fiscale anglaise (HMRC) lui a demandé d'acquitter la TVA sur l’intégralité des sommes reçues des « fans » (et non pas sur les seuls 20 %).

Contestant la position de l'HMRC, la société Fenix a porté le litige devant le juge anglais :


Au soutient de sa position, la requérante précisait en substance qu’en prévoyant que le mandataire qui s’entremet dans une prestation de services par voie électronique est réputé avoir reçu et fourni lesdits services, alors même que l’identité du fournisseur est connue, le dispositif prévu à l’article 9 du règlement d’exécution allait au-delà de l’article 28 de la directive, dont il n’est censé constituer qu’une mesure d’application.



Interrogée sur renvoi préjudiciel, la Cour de Justice de l’Union Européenne, réunie en grande chambre, confirme par un arrêt du 28 février 2023, que le dispositif codifié à l’article 9 bis du règlement d’exécution ne saurait être considérée comme complétant ou modifiant le contenu de l’article 28 de la directive TVA, et notamment la présomption établie dans cet article, mais ne constitue au contraire qu’une simple précision de ce contenu, dans le contexte spécifique des services fournis par voie électronique par l’intermédiaire d’un réseau de télécommunication, d’une interface ou d’un portail, tel qu’une plateforme de téléchargement pour des applications dans la mesure où cette disposition tient pleinement compte de la réalité économique et commerciale des opérations en tant que critère fondamental pour l’application du système commun de TVA.


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